Articles avec #childfree tag
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La lecture nous invite à croire que tout est possible, la vie nous montre autre chose comme notre incapacité à sortir du champ des possibles.
Les idées se tortillent dans l'espace clos de l'imaginaire en quête d'infini.
Parfois, je me fais encore du souci pour l'enfant que je fus.
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Aller voir ailleurs si mon malheur s'y trouve aussi.
Toutes les vitres propres de la demeure marine rendent son chagrin limpide. Elle peut pleurer.
À l'automne, l'orpheline aura 42 ans et aura survécu à 29 années d'absence maternelle. Quel triste record !
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La présence de Marie, childfree, au sein d'une station balnéaire familiale est aussi saugrenue que celle d'un éléphant dans un magasin de porcelaine. Et pourtant, Marie survit parmi les poussettes, les injonctions parentales qu'hurlent les passants, les pleurs des enfants colériques, l'agitation permanente de cette pouponnière à ciel ouvert.
Marie qui adore aller au parc zoologique a parfois l'impression d'y demeurer, ici, au cœur de la station, au voisinage des constellations familiales.
Marie s'indigne du passage de témoin génétique qui oblige à un recommencement perpétuel.
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Je capte avec mon appareil photographique les mouvements des corps gélatineux et palpitants des méduses qui s'échouent, poussées par les vagues, sur la grève en s'étalant. Une matinée consacrée à cela et la vie peut me suffire.
Encore à peine humain, ils ne savent plus que promener leur chien.
Et ce type à vélo, du matin au soir, qui se fait traîner par trois chiens de traîneau dans une station balnéaire. Image surréaliste d'un monde dont la dynamique m'échappe.
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Cet être incréé dont je revendique la non-parentalité — chaque jour que Dieu ne fait pas — fait le bonheur de mon existence solitaire où je me prive de son absence.
Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes impossibles auxquels je mets fin par mon infécondité volontaire.
La sage-femme qui verra le trou de mon cul n'est pas prête de naître.
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Marius attend son heure à un tournant de sa vie.
"Exilée de l'espèce, Leonor Fini l'est entièrement et c'est une des raisons pour lesquelles elle a toujours refusé d'avoir des enfants : « Je n'ai jamais été attirée par la fécondité. C'est le refus de l'utile : la participation à la continuité de l'espèce est une abdication. Pour avoir des enfants, il faut une humilité presque inconcevable dans le monde moderne, une passivité abrutie ou une prétention insensée »." Ce texte fut écrit par Xavière Gauthier dans un livre consacré à l'oeuvre finienne. Que pourrais-je ajouter au dicible ?
Marie constate qu'elle n'a su qu'inventer le vide et l'absence autour d'elle.
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Sur Internet, des sites se spécialisent dans l'archivage d'images dérangeantes, on peut accéder aux archives de la police notamment et découvrir des photographies de scènes de suicides, d'accidents, de meurtres, de violences conjugales... On peut aussi naviguer dans les archives de la médecine légale et s'étonner devant des vues d'autopsies, d'amputations récentes, de malformations congénitales... On peut tout voir maintenant mais est-on prêt mentalement ?
Il semblerait que la lecture de phrases dérangeantes provoque moins de dégâts émotionnels que la vision d'images inquiétantes. Probablement que l'imaginaire sollicité par la lecture est moins effrayant alors que la réalité photographique est crue et dure.
Plutôt que de me dissoudre dans l'acide réalité, je préfère apparaître nue au regard de mon imaginaire qui m'invente le monde à ma façon.
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Marie doit écrire afin d'exprimer son dégoût d'appartenir au genre humain mais elle taille ses crayons.
Marie aurait de longues phrases à élaborer à propos de la maternité qu'elle rejette mais elle taille ses crayons.
Marie pourrait rédiger un discours qui s'intitulerait « De l'acceptation de soi » mais elle taille ses crayons.
594
Un nouvel appareil photographique numérique neuf avec un capteur d'image CMOS de 16,2 millions de pixels au format DX qui restitue des images fidèles aux couleurs vives, avec des dégradés subtils, et réduit le bruit, mais affiche un pixel mort. Décidément, le Diable est amateur de photographie.
La grande ville est un cimetière géant avec ses caveaux-appartements.
Les poussettes de la nouvelle génération citadine comme des chariots de mine sur les rails des centres commerciaux gigantesques.
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Marie nourrit ses regrets qui sont obèses.
J'aime savoir ce qui m'attend, lire le présent sans surprise, connaître la fin des histoires, déchirer le mystère, sonder le connu. Je ne parviens à m'échapper que dans le jardin clos de mon imaginaire.
Ce joli mois de mai qui n'en finit pas d'être laid.