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712
(À la galerie)
VISITEUR. — Au revoir madame, rien ne m'a tapé dans l'œil...
GARDIENNE. — Désolée, le peintre s'évertue sur le Beau, le tape à l'œil l'aveuglerait.
Ce matin, Marie change d'avis à propos de l'enfouissement de son cadavre sous terre. Elle choisira plutôt la crémation. N'en déplaise à Baudelaire, Marie ne deviendra pas une charogne infâme.
Question : peut-on rester connecté au monde de l'information sans craindre de mourir de peur ?
711
Marie ne se rêve aucune lignée, cela la rassure à propos de l'avenir qu'elle n'attend pas.
Marie renonce à offrir un avenir à qui que ce soit. Trop incertain.
Marie a la certitude que tout est incertain.
710
Le voisin laid, naturiste et masturbateur vous rend service pour ensuite vous offrir l'occasion de lui rendre son service.
Naturellement, le jour venu, vous refusez de lui rendre service car sa demande est incongrue au malvenu. Le voisin se renfrogne. Il est encore plus laid.
Ainsi vont les rapports de mauvais voisinage.
709
De toutes les espèces visiteuses qui peuplent chaque jour la galerie que j'ouvre au public, l'espèce acheteuse demeure la plus rare.
Tous ces bavardages inutiles, échangés à propos de l'imaginaire créateur de beautés picturales aux postures étranges — incomprises et solitaires.
Tous ces mots salissants qui ne parviennent pas à exprimer la pureté fragile émanant de l'œuvre peinte.
708
Ces mères amnésiques qui paraissent si inoffensives, si généreuses, si dévouées, elles oublient de nous révéler qu'elles ont mis au monde volontairement des systèmes nerveux complexes qui endurent toute leur existence le martyre d'être vivant.
Il est temps maintenant que je pardonne à ma mère Yvette d'avoir décidé de me mettre au monde ; mais elle n'est déjà plus vivante, depuis longtemps, pour m'entendre lui dire que je comprends son geste.
Cet enfant que je ne commettrai jamais je le dois à ma mère.
707
J'écris pour pouvoir lire ce que je savais bien que j'allais finir par dire.
Cette âme douloureuse qui se crispe sur son inanité — un véritable gâchis.
Face à face avec la « Nativité » de Georges de La Tour au musée : l'expression de l'émotion est introspective, la toile me hante. La fonction dramatique de la lumière agit sur mon imaginaire. Les deux personnages féminins ne regardent pas le nouveau-né emmailloté qui semble abandonné dans le monde.
706
Au cœur de la maison childfree, le couple de nihilistes gourmands remplit son frigo de denrées périssables mais appétissantes. Chaque jour, le couple festoie en se félicitant d'échapper aux obligations parentales.
Nul drame de l'enfance ne mûrit ni n'éclate au sein de la maison childfree qui reste silencieuse.
Subsiste l'inconfort de vivre.
705
X. — Pour sortir du tunnel, il faut d'abord l'avoir construit.
Y. — Puis, s'y être engouffré.
Se pardonner chaque jour d'être seulement ce que l'on est.
Vision émouvante : j'aperçois hier, à la terrasse d'un café, une femme dont la bouche est déformée probablement par un cancer de la mâchoire. Elle boit avec une extrême difficulté et s'essuie la bouche tordue après chaque gorgée — un peu honteuse.
704
(Au cœur de la cuisine childfree)
ELLE. — Chut ! Tu pèles tes légumes trop fort.
LUI. — ...
Lors d'une démonstration du fonctionnement d'un orgue d'église au son unique, la présence d'une famille avec de jeunes enfants gâche le plaisir du public averti, qui ne perçoit plus la pureté des sons joués, mais croit entendre les sons mécaniques d'un manège accompagnant les gesticulations et bavardages enfantins.
Et pendant que les intégristes de tout poil s'étripent et se tuent pour des idées, la diariste en peignoir blanc cède à sa gourmandise : une tartine de pain des fleurs, couverte de roquefort très persillé.
703
Classer les livres par bons voisinages et les laisser mêler leurs phrases en nous pour qu'ils nous fabriquent plus solidement.
Nos bibliothèques telles des ossuaires avec leurs vanités, nos livres.
Le contenu de notre bibliothèque : notre personnalité livresque.