Couvre-feu 107
Comme le mal que j'avais fait à ma grand-mère, le mal que m'avait fait Albertine fut un dernier lien entre elle et moi et qui survécut même au souvenir car avec la conservation d'énergie que possède tout ce qui est physique, la souffrance n'a même pas besoin des leçons de la mémoire : ainsi un homme qui a oublié les belles nuits passées au clair de lune dans les bois, souffre encore des rhumatismes qu'il y a pris.
Marie souffre encore du besoin de se gratter qu'elle ne ressent plus maintenant qu'elle semble guérie.
Couvre-feu 106
Je souffrais jusqu'au fond de moi-même, jusque dans mon corps, dans mon cœur, bien plus que ne m'eût fait souffrir la peur de perdre la vie, de cette curiosité à laquelle collaboraient toutes les forces de mon intelligence et de mon inconscient ; et ainsi c'est dans les profondeurs mêmes d'Albertine que je projetais maintenant tout ce que j'apprenais d'elle.
Marie admire la pudeur proustienne.
Couvre-feu 103
Le lendemain vint une lettre dont l'enveloppe suffit à me faire frémir ; j'avais reconnu qu'elle était d'Aimé, car chaque personne, même la plus humble, a sous sa dépendance ces petits êtres familiers, à la fois vivants et couchés dans une espèce d'engourdissement sur le papier, les caractères de son écriture que lui seul possède.
Marie écrit comme un pied.
Couvre-feu 102
Je me voyais perdu dans la vie comme sur une plage illimitée où j'étais seul et où, dans quelque sens que j'allasse, je ne la rencontrerais jamais.
Marie se perd aussi dans l'illimité de sa vacuité.
Couvre-feu 100
Mais aussitôt, la douleur avait réagi sur elles ; un fait objectif, une image, est différent selon l'état intérieur avec lequel on l'aborde. Et la douleur est un aussi puissant modificateur de la réalité qu'est l'ivresse.
Marie est toujours ivre de douleur.
Couvre-feu 99
Comme m'a dit cette personne, vous pensez bien que si elles n'avaient fait qu'enfiler des perles elles ne m'auraient pas donné dix francs de pourboire.
Marie adore les expressions imagées.