Solitude
Tchekhov disait, peu de temps avant sa mort, qu'il ne serait guère plus seul quand il serait couché dans son cercueil qu'il ne l'avait été durant sa vie.
Marie demandera à être incinérée pour rompre sa propre solitude.
Choix planétaire
« Sous l’impact du réchauffement climatique et de la surpêche, les méduses se développent de manière explosive », explique David Grémillet, chercheur au CNRS
La Méditerranée menace de se transformer en "mer de plastique", met en garde, vendredi 8 juin, le WWF, qui propose une série de mesures pour la sauver des déchets plastiques, qui l’asphyxient comme aucune autre mer.
Entre « gélification » et « plastification »: le cœur de la planète balance.
Liberté inhumaine
Au fond, comme Solange, je n'aimais que l'ombre, la clandestinité, la liberté inhumaine que procure cet état intermédiaire entre la mort et la vie, cet espace vide, indéfini, appelé par certains les limbes, et où je me suis toujours plu à voir le prolongement miraculeux de l'enfance.
Marie n'aurait jamais quitté cet état d'enfance.
Le printemps des monstres
[...] mon dieu quelle horreur, des phrases sans la moindre signification naissaient en moi, elles s'entortillaient autour de mes organes vitaux, elles m'étouffaient, elles claquaient du bec, tout s'effondrait, c'était le printemps des monstres [...]
Marie regrette déjà l'été qui approche.
Masque
Que les morts aient un masque d'orties.
Marie ressent une irritation au niveau du visage.
Mascarade
Que l'ombre d'un ange, un jour, s'approche de toi, alors que tu fais consciencieusement ton travail de pute, les pattes écartées, comme toutes les salopes de cette planète pourrie, les mères, les sœurs, les fiancées, baisées, bourrées, enfilées, défoncées, démolies, haletantes, toujours à essayer de prolonger en jouissant le cauchemar de la vie, comme si ça ne suffisait pas comme ça, déjà, mais non, encore, encore, haletantes, trempées, tournées, retournées, malaxées, concassées, habillées, déshabillées, en hiver, en été, toujours dans des chambres étouffantes, gigotant, sautant, hurlant, bavant, oh oui que l'ombre d'un ange, par n'importe quel temps, s'approche, dans le silence absolu, et décrète la fin de cette mascarade.
Marie aimerait souvent que cette mascarade prenne fin.
Faire silence enfin.
Café
Le café, quand on n'a plus nulle part où aller, c'est encore ce qu'il y a de mieux : c'est le refuge des paumés, des solitaires, le paradis des ratés, l'antichambre de la morgue.
Marie fréquente les cafés plutôt que les bibliothèques ou les médiathèques car elle vit au sein d'une station balnéaire.
Il y a la plage aussi mais les goélands l'attaquent pour protéger leurs grisards.
Supercherie
Nos rapports étaient fuyants, visqueux. Une énorme supercherie. Quand je mourrais, je me souviendrais de la vie comme d'une méduse d'une taille monstrueuse que l'on effleure avec dégoût, parce qu'il faut bien, et moi aussi je me sentais comme ça, fuyant, visqueux, comme les autres, pas épargné par le désastre universel, oh non, mais flasque, si flasque, avec ma peau flasque, mes paroles flasques, mes histoires vaseuses, la flaccidité de mes pensées, et le dégoût de moi-même, au fond, tout au fond, ces flatulences qui jamais ne parvenaient à l'air libre et m'asphyxiaient lentement. Je me sentais gluant et sombre, comme si le monde dans lequel on m'avait plongé de force, à ma naissance, avait fini par devenir ma propre substance, à force. La maladie de vivre, je l'avais attrapée moi aussi, pardi, et maintenant je savais bien qu'il n'y avait plus qu'un seul moyen de guérir, en évitant pour toujours tout espoir de rechute. Il m'aurait fallu la prodigieuse intelligence de Solange pour triompher de mamame, hélas je n'avais que ma toute petite cervelle à ma disposition, et les années d'humiliation que j'avais subies m'avaient enlevé toute combativité, j'étais bien obligé de le reconnaître.
Marie souffre de la même maladie.
Souffrance
La souffrance c'est pas beau à voir. On plonge dans des profondeurs vertes et quand on remonte on est tellement mort que plus personne vous reconnaît.
Marie regarde le reflet de son visage dans la glace et elle voit une enfant sans mère.
Enchantement
Ce qui enchante les autres me désenchante, me disait-elle (en clignant des yeux comme si elle se promenait sur une plage battue par le vent, au début du mois de juin, et fixait le soleil).
Marie est enchantée.