Marche
Marie ira marcher pour exercer son esprit au rythme de la joie.
Ainsi soit-elle.
Délivrée.
Visiteurs
Marie apprécie les visiteurs de la galerie qu'elle ouvre au public. Leur curiosité est enrichissante et parfois éclairante.
Mais pourquoi Diable finissent-ils toujours par s'épancher en confidences.
Serait-ce la présence des créatures peintes et ogéennes qui les pousseraient inconsciemment à cela ?
Purpura de Bateman
Marie fait une vilaine découverte sur la peau de ses avant-bras.
Elle assiste impuissante à son propre enlaidissement.
Vision soudaine et effroyable du cadavre à venir.
Eric Chevillard, buveur d'azur
Nous échangeons un salut cordial avec le promeneur inconnu croisé sur un sentier de montagne. Partout ailleurs, nous n’aurions l’un pour l’autre aucune sorte de considération. Est-ce l’exiguïté du chemin qui nous rend si aimables, parce qu’il est en effet impossible de se croiser comme si de rien n’était ? Je crois plutôt que la majesté du paysage alpestre alentour nous inspire ces bonnes manières. Il s’agit d’être à la hauteur.
Mais surtout, il nous plaît d’appartenir à la communauté des montagnards buveurs d’azur, dédaigneux des mesquineries de conduite et de pensée de ceux d’en bas.
Puis il faut redescendre.
L’usage veut que tu échanges un cordial bonjour avec le randonneur que tu croises sur le sentier de montagne tandis qu’il rejoint l’indifférence de la foule et que tu gagnes la solitude du sommet.
Ainsi Marie se considère-t-elle aussi comme étant une buveuse d'azur à siroter sans cesse ni lassitude la prose poétique chevillardesque.
Sur les cimes de son propre désespoir il y a l'espoir de l'écrivain qui ne pense qu'à gravir des sommets d'imagination quand elle ne désire qu'explorer ses peines.
Puis il faut redescendre seule et laisser l'écrivain sur les hauteurs.
Solitaire
Mathieu est aussi seul que moi. Seul et solitaire. Si je n'éprouve nul désir, nul besoin de me confier à qui que ce soit, si je ne sais quel élan serait digne d'échange, c'est que je connais trop bien la paroi cristalline derrière laquelle les amis gesticulent, je connais trop bien les dialogues de sourds. Les rares fois où j'ai tenté la communication, j'ai cru remarquer qu'on me considérait avec méfiance, peut-être même avec répulsion. Personne n'a trouvé les mots qu'il fallait et moi moins que tout autre car, vulnérable, je crains de fournir quelques terribles armes.
Marie s'extasie devant sa page de lecture qu'elle relit sans cesse.
Gabrielle trouve les mots qu'il fallait pour consoler sa peine.
Ensemble, la joie demeure.
Solitude
Marie se souvient parfois qu'elle souffre de solitude puis oublie ce désagrément rapidement.
Le silence lui va si bien.
Irrésistible.
Imagination
Ceux qui connaissaient mal Denis pourraient admirer qu'il sût si bien se peindre en si peu de mots. Le portrait est certes véridique mais incomplet. Cet homme qui se croyait libre de toutes les sensualités sacrifiait constamment à la pire d'entre elles, celle de l'imagination. Il avait délibérément choisi sa solitude afin que la compagnie d'autrui ne l'empêchât point d'explorer tout à son aise les labyrinthes de sa Ville Interdite. Ces incursions n'étaient pas sans narcissisme et sous le prétexte d'une impitoyable sincérité, il passait sa vie à scruter le miroir. Il va sans dire que les brumes de son propre souffle lui masquaient bien des choses et que de celles qu'il percevait, il ne voyait que l'image inversée.
Marie n'en peut plus de joie à la lecture des phrases wittkopiennes qui viennent cimenter les ruines de ce monde improbable dans lequel elle n'a décidément pas sa place, Marie.
Fratrie
Le frère, ce témoin gênant.
La sœur aussi pour le frère, cette bavarde.
Une histoire commune embarrassante.
Entrailles
Alvise se promène dans le labyrinthe de sa bibliothèque qui est une ville, une planète. Il bouge en ce dédale comme le fruit dans les entrailles maternelles.
Marie nue avec ses livres se souvient des jours anciens où elle ne savait pas lire.