Vide
« Quand je commence à écrire après m'être interrompu assez longtemps, c'est comme si je tirais les mots du vide. En ai-je obtenu un, je n'ai encore que celui-là et tout le travail recommence. »
Ainsi parle l'heureux créateur qui prend suffisamment au sérieux sa création pour lui donner chair.
Machines
J'ai vécu un temps où je ne faisais fonctionner qu'un nombre restreint d'appareils robotisés.
À présent, ils ont envahi insidieusement mon espace vital et énergétique.
J'ai parfois l'impression étrange mais tenace qu'ils cherchent à me nuire.
Pas évident
Lors de ta permanence, tu tentes d'expliquer à deux très jeunes filles qui visitent l'atelier ouvert au public pourquoi un grand nombre de peintres représentent la nudité dans leur peinture.
Tu prends conscience de ton rôle éducatif au sein de ta galerie.
Tu te marres...
Cake au chocolat
De toute façon peu m'importe le risque cancérologique induit par les produits carnés puisque je salive plus volontiers devant un cake au chocolat plutôt qu'une entrecôte même persillée.
Je me demande tout de même à quoi bon culpabiliser autant de gens qu'on a arrachés à leur responsabilité quant à leur propre subsistance en les rendant esclaves de leur dépendance au système qui subvient à leur besoins élémentaires.
Quand la production alimentaire échappe aux consommateurs : tout est permis.
Même l'inacceptable. Surtout l'inacceptable.
L'amour et le crâne Vieux cul-de-lampe
L'Amour est assis sur le crâne
De l'Humanité,
Et sur ce trône le profane,
Au rire effronté,
Souffle gaiement des bulles rondes
Qui montent dans l'air,
Comme pour rejoindre les mondes
Au fond de l'éther.
Le globe lumineux et frêle
Prend un grand essor,
Crève et crache son âme grêle
Comme un songe d'or.
J'entends le crâne à chaque bulle
Prier et gémir :
— « Ce jeu féroce et ridicule,
Quand doit-il finir ?
« Car ce que ta bouche cruelle
Éparpille en l'air,
Monstre assassin, c'est ma cervelle,
Mon sang et ma chair ! »
On sait que la poésie mène directement au sublime sans toucher la pensée qui ne ferait que l'empêcher de se révéler.
Ribambelle
Une ribambelle d'enfants la morve au nez et des espoirs plein la tête.
Un cauchemar de passage devant la galerie.
Un cortège en marche vers le désenchantement.
Narcotique
« Il vivait sur lui-même, se nourrissait de sa propre substance, pareil à ces bêtes engourdies, tapies dans un trou, pendant l'hiver ; la solitude avait agi sur son cerveau, de même qu'un narcotique. Après l'avoir tout d'abord énervé et tendu, elle amenait une torpeur hantée de songerie vagues ; elle annihilait ses desseins, brisait ses volontés, guidait un défilé de rêves qu'il subissait, passivement, sans même essayer de s'y soustraire. »
Comment aller plus loin que ce constat ?
Mer
Tu te baignes encore en elle, glaciale pourtant.
Ta peau te brûle alors à cause de la morsure du froid.
Et non pas à cause de l'eczéma.
À la galerie
Elle entre accompagnée par son époux. Elle regarde attentivement les toiles, semble troublée, pose des questions, paraît mal à l'aise, interroge son mari, va et vient, tourne en rond, s'approche encore plus près des peintures, murmure, me regarde, s'avance vers le bureau :
— Je n'aime pas !
(J'imagine un pouce à l'envers...)
— ...
Scène d'atelier (dialogue)
Souvent tu te tiens derrière la porte de l'atelier du peintre. Tu t'inquiètes en imaginant la solitude du créateur.
Il sort.
— J'ai besoin que les créatures que je dessine me racontent quelque chose.
Tu es rassurée soudain.