799
MOI. — Devant les actes du quotidien, je me plonge dans la plus grande perplexité qui ait été soufferte de mémoire d'hésitante.
LUI. — Pour ma part, j'expérimente la vacuité mystique.
Marie s'amuse à regarder communiquer ses iBidules entre eux silencieusement.
Marie, émue par la technologie qui l'épate et l'inspire, sourit.
798
Tenterais-je de m'épargner en n'écrivant pas tout ce qui me passe par la tête ?
Quelque chose l'empêche de se précipiter dans le vide : son sens de l'équilibre.
Ce huis clos conjugal nécessaire à ce que se conjuguent nos peines.
797
... puis pose mon doigt poisseux de miel sur la page imprimée de la dernière chronique d'Éric Chevillard, découverte dans une revue littéraire (Décapage), nouvelle pour moi, puis mâche des morceaux de pommes biologiques cuites puis, en regardant les goélands voler, bois du thé vert sans sucre puis...
La vie, cette succession d'événements, je suis enchaînée à leur enchaînement.
Et l'Enfant Roi, en couche-culotte, dirige le monde occidental...
796
L'auteur de Choir nous reconnaîtra, nous ses lecteurs, à « notre apparence miteuse d'inadaptés définitifs », lors du colloque valentinois. Il soupçonnera que « nous brûlons de connaître aussi, plus que tout, le simple particulier, voire le pauvre type qu'il ne peut manquer d'être hors de ses livres ».
Je prends soudain conscience de mes lectures chevillardiennes, qui influencèrent probablement le cours désastreux de mon existence en encourageant ma paresse et en flattant mon orgueil de lectrice.
Car enfin, que devenir quand tout est advenu ?
795
Lorsque je lis les résumés des sujets qui seront abordés lors des communications des intervenants à l'occasion du Colloque International Éric Chevillard (Université Stendhal, Valence, mars 2013), je me sens nauséeuse.
La surabondance de vocabulaire sous la plume de ces jeunes universitaires désigne le défaut du mien.
Je crois que je vais avoir besoin d'un traducteur sur place pour décrypter ce langage hexagonal. Mon émotion suffira-t-elle à m'éveiller de l'ignorance ?
794
Donc, le mardi 26 mars 2013 à 18h30, à la médiathèque publique et universitaire de Valence, Éric Chevillard signera des autographes. J'en déduis qu'il existe et qu'il ne s'agit pas d'une chimère autofictive.
Je ne sais pas encore quel livre choisirai-je pour solliciter un autographe ?
De sa part, ne préférerai-je pas une dédicace laudative ?
793
Marie lit un article scientifique intitulé : « Comment des souris subissant des agressions répétées développent une aversion sociale. » Elle comprend qu'on cherche de nouvelles pistes thérapeutiques pour traiter sa dépression. Elle s'en réjouit.
Verra-t-elle un jour la vie en rose ? Elle observe le ciel de cette couleur ce matin : est-ce un signe ?
Marie choisira donc l'espoir comme compagnon pour les mois à venir.
792
À mon domicile, assise dans ma salle d'attente en partance pour le néant, rien ne me désennuie.
Si je regarde en arrière, les ombres de mon passé chuchotent des inepties. Si je ferme les yeux, les voix du présent hurlent. Si je regarde devant moi, mon ombre me fait peur.
Un jour, je me dirai adieu et ce ne sera pas un déchirement mais plutôt un soulagement.
791
Marie observe ceux qui mourraient pour leurs idées, mais de mort lente, s'en prendre aux femmes qui subissent un avortement, aux couples homosexuels qui désirent se marier, aux particularités de chacun d'entre nous — qui échappons à leur compréhension restrictive — à l'humanité qu'ils rejettent finalement.
Marie se lasse de ces béni-oui-oui au service d'un dieu absent qui pourrait tout à fait leur botter le cul s'il existait !
Mais voilà, Dieu n'est jamais là où on l'attend...
790
Un jour bientôt je me devinerai autrement.
Je découvrirai tout ce que j'ai renoncé à être, chaque seconde.
Je m'apprendrai comment j'ai survécu à mon histoire — humaine.