738
Au centre commercial sous la lumière des enseignes au néon, le ballet des femmes enceintes et des chariots métalliques remplis de chrysanthèmes : la Toussaint approche.
Quant au règne de l'inutile, les mères et leurs enfants des sables, la gestion délicate des manteaux, des écharpes, des bonnets, des gants, des bottes, des pelles et des seaux, une journée d'automne à la plage.
Elle est toujours en retard pour ne rien faire.
737
Marie rêve qu'on lui prélève du sang, ainsi soit-elle.
Marie est réfractaire à tout changement, ainsi soit-elle.
Marie regimbe contre le quotidien, ainsi soit-elle.
736
Du lever au coucher sans autre but que celui de rester vivant. Observer le passage de la vie qui s'agite en soi. Commenter sa propre expérience puis s'éteindre. Quel merveilleux programme existentiel, n'est-ce pas ?
Le présent est finalement rassurant au regard du passé — terrifiant — et de l'avenir — effrayant.
À cet instant, je peux être ce que je désire sans crainte.
735
L'enfance garde ses souvenirs jamais intacts, sans cesse modifiés et déformés. L'enfant qu'on fut nous ment à longueur de mémoire.
L'adulte qu'on est répare aussi le présent et livrera une autre vérité au vieillard qu'on deviendra.
On s'en ira un jour en ayant imaginé son existence.
734
Parole childfree : et puis, de toutes façons, quand on ne supporte pas les gens, on n'en fabrique pas...
Ce couple est si mal assorti que même ses tenues jurent d'être portées ensemble.
Elle a peur de s'en donner la peine et que ça ne vaille pas la peine.
733
Tous ces affreux humains qui nous préparent un monde sans humains... bon débarras !
Tous ces libertariens transhumanistes qui nous envisagent comme étant obsolètes, nous les Homo sapiens sapiens. L'homme qui pense ne pense plus assez vite. Sa propre technologie le dépasse. L'Homo sapiens ne comprend plus ce qu'il crée. Ses machines « intelligentes » mobilisent toute son énergie et l'épuisent. L'homme qui pense doit s'augmenter pour interagir avec l'environnement qu'il développe. Sinon, il disparaît.
Quant à moi, j'envisage de renoncer à vivre éternellement.
732
Il y a le silence nécessaire pour la concentration
la lenteur pour l'exécution
l'ampleur du renoncement...
Il y a toi quand tu me regardes
toi le témoin impatient
toi l'amoureux langoureux
tes mains qui trouvent...
Il y a l'action sans résultats
l'agitation d'être soi
l'équilibre introuvable
la crainte de se découvrir.
731
Une existence comme une succession d'obsessions vitales.
Les pensées exécutent leur chorégraphie macabre au sein de l'esprit soumis au diktat du doute.
Seul le chant des oiseaux rompt la mélodie funeste du malheur.
730
Marie se lève très tôt en ayant l'impression d'être en partance pour l'inconnu, elle ouvre les fenêtres et contre son visage frais la réalité tiède fouette, déjà.
Dès l'aurore, Marie affronte la vérité dévoilée : son ennui.
Le jour se lèvera encore sans éclaircir l'énigme de sa présence humaine.
729
J'envie chaque personne qui rend son dernier souffle. Son immobilité m'inspire le repos de l'esprit. Est-ce pour cette raison que je passe autant de temps à errer à l'intérieur, paisible, des cimetières ?
Cette volonté d'approcher les disparus, mon voisinage familier, dirige mes pas dans les allées ombragées des cimetières. Je recherche une compagnie apaisante, celle du souvenir.
Le lieu du repos éternel des macchabées est mon havre de paix.