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06:49 sur Terre. Aujourd'hui, au moment où je rédige cette note, l'œil rivé sur le compteur de la population mondiale, je constate avec effarement que dans douze heures nous serons sept milliards d'individus à occuper cette planète — encore bleue.
L'idée de savoir que nous serons sept milliards avant ce soir engendre un désespoir serein au fond de moi car je n'y suis pour rien.
Marie a entendu dire que l'homme et la femme rêvaient d'éternité.
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Parfois, tout autour de moi, cela sent la maison que j'occupais lorsque j'étais une petite fille et qu'on me promettait de grandir au sein d'un monde enchanté.
La plupart du temps, tout autour de moi, cela ressemble à un monde déplaisant qui m'attriste.
Si je donnais la vie à un enfant, je devrais lui mentir à mon tour puis surprendre son regard désenchanté.
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À propos de l'expression « sentir le sapin », nous utiliserons une nouvelle expression en ces temps écologiques : « sentir le carton ». En effet, on peut se faire enterrer aujourd'hui dans une boîte en carton décorée.
Partout dans la maison childfree des piles de livres et de revues. Mais que cherche Marie ?
Surveille-t-elle le monde pour ne pas être surprise par lui ?
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Evidemment, iPhonette, objet de haute technologie, surprend son utilisatrice en se transformant, grâce à une application révolutionnaire, en boîte à meuh qui crie « Banzaï ».
Ce jeune couple ne se relâche plus depuis que leur nourrisson agrippe son monde qu'il découvre sans se lasser.
Comme si en transmettant leurs gènes, les nouveaux parents transmettaient aussi l'effort de vivre à leur progéniture : « À toi maintenant de prouver que tu existes durant un siècle ! »
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Tel un adhésif, Marie colle à la réalité qui la dérange. Elle adhère à la peine et à la difficulté d'être soi. Marie tient fermement à l'enfer qui est le sien.
Je ne peux plus me perdre dans mes idées maintenant, j'ai une boussole.
Toutes ces minuscules craintes pas fondées du tout qui dévorent votre esprit intranquille.
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iPhonette
140 g
115,2 mm
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Sur cette photographie, la petite fille qui porte un lourd arrosoir dans les allées du cimetière jusqu'à la tombe de ses parents me ressemble... et pourtant... il ne s'agit plus de moi.
À l'époque, cette fillette que je fus passait ses journées entières à arroser les fleurs fraîches et les plantes amenées sur les tombes du petit cimetière où étaient enterrés mes parents. L'enfant que je fus s'épanouissait au cœur du silence des pierres tombales.
C'est dans l'intimité avec la mort que j'ai appris la vie.
390
Marie a réservé son iDeperlimpinpin au temple de la technologie obsolescente. Marie s'imagine qu'il existe une application pour arrêter d'avoir peur d'exister.
L'homme occidental a perdu le sens de ce qu'est sa vie mais il a le sens de la consommation.
De vexations en rebuffades ainsi cheminons-nous... à rebrousse-nerfs.
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Marie ressent un sentiment d'impuissance extrêmement puissant en entendant gronder la mer au loin.
Que ne suis-je une vague
Où tu pourrais te noyer ?
Que ne puis-je par pitié
Te sauver de la fatigue ?
Son impatience tous les jours ne fait que croître et embellir.
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Audacieux promoteurs ambitieux qui construisez notre paysage urbain et rurbain. Vos immeubles rutilent de couleur, égaient la ville et sa banlieue. Les citadins se cachent derrière vos façades décorées pour pleurer.
La ville n'est plus grise mais multicolore. Le piège absurde qui emprisonne nos existences de consommateurs payeurs se referme sans bruit.
Le grouillement de la foule berce les peines individuelles.