263
Une seule cheville enflée et tout est désorganisé.
J'ai fui la blogosphère, j'ai subi un accident domestique, je porte une orthèse de stabilisation de la cheville gauche. Qu'allais-je faire hors de la blogosphère ?
Si on pouvait photographier nos rêves ! Quel cauchemar ce serait !
262
« Dégobiller » est une entrée dans le dictionnaire du dégoût de Marie.
Je fus un esprit des limbes, j'hésitai à m'incarner ; puis, je chus dans le temps de mes parents qui se défilèrent, qui cessèrent d'exister brusquement, qui ne me firent pas grandir mais proscrire la vie à jamais.
Avec passion, lorsque je n'étais encore qu'une fillette, je lisais « Martine petite maman ». Ensuite, lorsque je fus une adolescente, je lus « De l'inconvénient d'être né ». Que s'était-il passé dans mon esprit qui s'ouvrait ? Quel bouleversement ? Quel éveil soudain ! Quelle surréalité ! Quelle condamnation à la lucidité !
261
Toutes ces vastes demeures que les gens fortunés mais endettés se construisent comme s'ils cherchaient à s'ancrer sur terre pour l'éternité. Une vie à crédit pour un grand coin de paradis. Dis-moi combien tu rembourses et je te dirai qui tu es.
Ventres ronds cachent l'horizon, constate Marie qui, assise face à la mer, regarde passer un groupe de femmes enceintes.
Au matin, la veuve, retraitée, marche vite dans le vent frais, ivre de solitude.
260
la femme de chambre
toute décoiffée
DSK
le Parti Socialiste
tout crispé
DSK
la grosse blonde (*) Marine
tout excitée
DSK
(*) expression grolandaise
259
Au matin, elle donne à boire à ses plantes carnivores qui dévorent les ombres persistantes du rêve de la nuit qui s'achève.
Marie gronde sa bibliothèque qui lui cache la vérité dans les livres qu'elle n'a pas encore lus.
L'Impasse de la Rocaille mène jusqu'à la plage, mais l'angoisse ne nous mène à rien.
258
Commençons une expérience chevillardesque qui consiste à relever la dernière phrase de chaque livre, qui s'articule par force avec la première de celui qui le suit sur le rayonnage de ma bibliothèque : Et quand ils le voyaient qui rampait honteusement pour essayer de se glisser entre eux, ils abaissaient vivement leurs mains entrelacées et, tous s'accroupissant ensemble autour de lui, ils le fixaient de leur regard vide et obstiné, avec leur sourire légèrement infantile. (*) Dans cette prison surpeuplée, dont chaque cellule abrite une souffrance, parler de soi est comme une indécence. (*) Il faut qu'ils sachent pourtant ce qui se fait ici EN LEUR NOM. (*) Nous avons coutume ici d'accueillir des enfants, c'est-à-dire de les mettre au monde comme ailleurs on capture des éléphants sauvages. (*) Fermez la porte et ouste ! ordonne le nain assis sur son pot dans le cabinet au géant qui en prend toute la place. (*) Je suis dans la chambre de ma mère. (*) Il ne pleuvait pas (*)
Finissons l'expérience en constatant à quel point la pensée humaine peut être cohérente et complémentaire. Au sein du désordre de ma bibliothèque règne l'ordre de la conscience littéraire qui veille sur nous, bienheureux lecteurs.
Ô blog ! éteins ta flamme jusqu'à samedi.
(*) Aux éditions de minuit, Nathalie Sarraute, Tropismes ; Henri Alleg, La question ; Eugène Savitzakaya, Marin de mon coeur ; Samuel Beckett,
Molloy.
257
le naturiste au
mois de mai fait ce qu'il lui
plaît les fesses à l'air
Dans des eaux peu profondes, l'aigrette garzette mâle ébouriffe ses plumes et offre des brindilles, avant l'accouplement, à un sac en plastique blanc qu'elle prend pour sa partenaire. Romance industrielle des étangs.
Les corbeaux reconnaissent les visages humains et transmettent cette information à leur progéniture. Il fallait que vous le sachiez.
256
Canal +, la chaîne rigolote de la vision grolandaise : « Boire de l'eau rend liquide ! »
Veuillez vous taire, je vous prie, je souhaiterais écouter ma tristesse pour l'accueillir.
Dans ta main, la mienne... dans ton regard, le mien. Dans le sel de tes larmes, ma peine se conserve - intacte.
255
Je découvre un article sur le site de La Ligue des droits de l'Homme à propos de la bande-dessinée childfree : « Et toi quand est-ce que tu t'y mets ? - 1. Celle qui ne voulait pas d'enfants » (*). L'article relève la question du droit de la femme d'envisager une existence où elle ne serait pas mère et celle du droit de la femme à disposer de son corps. Questions abordées par les auteures de la bande-dessinée. Suis-je idiote ! Je n'envisageais pas ma détermination de nullipare sous l'angle de la loi. Suis-je en infraction ? Ai-je besoin qu'on défende mes droits ? J'ai bien peur que la réponse soit affirmative !
Nous savons à quoi nous n'avons pas pu échapper mais nous ne saurons jamais à quoi nous avons échappé. Cela explique probablement notre malaise existentiel.
Marie aux toilettes se fâche en pensée puis ouvre au hasard les Cahiers de Cioran : L'Homme est ma bête noire. Marie éclate de rire alors.
(*) de Véronique Cazot (scénariste) et Madeleine Martin (dessinatrice), aux éditions Fluide G, 2011.
254
Nouvelle victoire pour La Leche League (association de mères qui prônent l'allaitement maternel prolongé et qui encouragent ses adeptes à rester à la maison) : sous le regard protecteur d'une madone espagnole, sainte Augustine, qui veillait à l'heureuse délivrance des mères et leur donnait un lait abondant, un fabricant espagnol de jouet vient de lancer une poupée que les petites filles peuvent allaiter. Agathe (*) ! Suzie (*) ! Au boulot !
« Persistance » n'est pas une entrée dans le dictionnaire éphémère de Marie.
Le peintre s'émeut :
— Quand j'ai terminé une toile, je suis étonné d'avoir apprivoisé le vide.
La lectrice se plaint :
— Quand j'ai terminé un livre, je reviens parmi l'activité brouillonne du monde.
(*) Fillettes d'Éric Chevillard.